Juste le temps de se laisser éblouir.

Lundi matin.

Après l’orage. Le monde a repris sa rotation. Sans moi. J’ai dit à la fille du café, celle qui s’est exclamée l’autre matin: «Ouaaa, vous êtes trop classe!», qu’une semaine commencée à son comptoir ne peut pas être mauvaise.

Sans conséquence. Je ne sais rien du temps à venir. Personne ne sait. Il y aurait quelque part un grand livre où tout serait écrit d’avance, que nous perdrions l’entier de la responsabilité de nos actes. Plus de bourreaux, plus de héros. Plus de Karl Otto Koch et plus d’Elie Wiesel. Plus de petitesse et plus de grandeur. Plus qu’une Destinée implaccable qui ferait des uns les Princes et des autres les mendiants.

Nous sommes donc libres, désespérément. Et pourtant, je crois deviner parfois, comme une structure exogène, le sens que prend la vie. Quand les hasards n’en sont plus, qu’ils semblent défier les lois de probabilité. Quand les événements paraissent s’enchaîner en un ordre précis qu’on peut vouloir, souvent en vain, contrarier. Ou qu’on peut, par choix, tenter de suivre. Quand la volonté propre ne sert plus qu’à déclencher des catastrophes. Quand le fait de se taire et de ne pas agir nous emplissent de sérénité. Parce que c’est alors qu’il nous faut aiguiser nos sens, écouter, regarder, sentir de tout notre être. Pour redécouvrir soudain la réalité des choses, cette réalité éternellement mutante, qui jamais ne se laisse capturer. Et s’y accorder le temps d’un instant, juste
le temps. De se laisser éblouir.

Très bien. Arrêtons-nous là pour ce lundi matin. J’imagine bien que je vous ennuie. Si les oiseaux s’interrogeaient sur comment voler, ils se casseraient tous le bec. J’ignore d’ailleurs pourquoi je tends à ramener chaque sourire, chaque effluve parfumée, chaque frisson, à une dimension philosophique. Peut-être ne suis-je pas doué pour le vol, ou peut-être est-ce vous qui ne
l’êtes pas.

Toujours est-il qu’à l’instant je ne sais que trop combien tu m’éblouis, et combien ma raison me dit de fermer les yeux. Mais je sens bien que tout n’est pas dit, qu’il y a une raison pour laquelle on se retrouve. Alors je vais rester en équilibre.

A bricoler dans la lumière des sentiments qui n’ont pas de nom.


Les câlins ça ne coûte rien, mais ça n’est pas gratuit.

Sila
Blunier

Bienne, 3 juillet 2007

4 réflexions au sujet de “Juste le temps de se laisser éblouir.”

  1. Je ne crois pas au hasard. Je suis à peu près certaine que, oui, tout est écrit. Ce qui doit être est et sera. Pourquoi? Ca je ne sais pas.
    Mais jamais, au grand jamais, je ne voudrais que l’on me dise ce que sera mon demain
    Allez, aujourd’hui je te fais un bisou

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  2. Rose, il n’y a pas de raison que nous ne correspondions pas, mais donnez-moi votre adresse email afin que nous soyons sur pied d’égalité et que nous n’exposions pas au monde entier une correspondance qui ne regarde que nous 🙂

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  3. Ou est le magnifique texte « Rose » que j’avais eu le bonheur de lire en début de semaine?…
    Un retrait en vue de l’ameliorer??

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